Qui a tué Lucky Luke?

Publié le 25 Mai 2016

 

Pour célébrer le 70e anniversaire de Lucky Luke, héros emblématique de la bande dessinée franco-belge, Matthieu Bonhomme a carrément cassé le mythe. Il l'a tué. Lâchement. Une balle dans le dos, la gueule dans la boue. Fin de vie indigne pour un cowboy que l'on pensait immortel.

Et pourtant, c'est sûrement le meilleur hommage qui pouvait être rendu à l'homme qui tire plus vite que son ombre, même si les adeptes de Lucky Luke risquent d'être chamboulés.

Dans cet album unique, notre justicier à cheval s'arrête à Froggy Town. Il a l'intention de n'y faire qu'une halte, mais difficile pour cette vedette de l'Ouest de passer inaperçu. Rapidement, on le supplie de mettre ses compétences au service de la population. Il faut retrouver l'or qui vient d'être volé aux mineurs du coin. Il accepte à contre-cœur et il est rapidement confronté à la véhémence des frères Bone, qui règnent sur le village. Mais pire encore, Luke est contraint d'arrêter de fumer à cause d'une pénurie de tabac. Il est confronté à un ennemi qu'il ne soupçonnait pas, le manque (ça peut paraître anodin, mais c'est une subtilité capitale de cette BD).

Matthieu Bonhomme est fan de western et Lucky Luke le passionne. Il a appris à dessiner gamin en le reproduisant, encore et encore. Jusqu'à, des années plus tard, avoir la formidable opportunité de le réinventer. Car il a transformé notre héros en homme, avec ses failles et de la fébrilité, il lui a ôté un peu de son inébranlable flegme, en le faisant douter de lui-même et il a doté ce garant de la bonne morale d'un sens de la psychologie, dans sa gestion des événements et ses relations avec les autres personnages.

Le bédéiste tourne par ailleurs le dos au traditionnel machiavélisme, omniprésent dans la série, pour y glisser des nuances. À noter que les «méchants» ne sont pas les Dalton, mais trois frangins qui ont grandi dans la terreur d'un père brutal et oppressant.

Graphiquement, et c'est évidemment ce qui frappe tout de suite, Lucky Luke est plus grand, plus allongé, plus réaliste, moins cartoonesque. L'auteur, qui fait tout dans cet album, a expliqué ne pas avoir voulu copier le personnage - contrairement à Achdé, le successeur officiel de Morris. Il a préféré partir d'un croquis d'«Esteban», le héros de sa série du même nom, et travailler son dessin pour qu'il devienne «son» Lucky Luke.

En quelques mots, ce Lucky Luke est plus fin, plus riche, moins primaire, plus mature que l'original. L'auteur de l'excellent Texas Cowboy avec Lewis Trondheim fait de ce classique de la bande dessinée une interprétation osée, culottée, provocatrice, parce que beaucoup plus «réaliste». Puis, bon, parce qu'il le fait quand même mourir dès la page 4. Il a relevé le défi haut la main, j'ai adoré.

 

 

L'homme qui tua Lucky Luke
Matthieu Bonhomme
Lucky Comics
64 pages

 

Rédigé par Régis Baillargeon

Publié dans #Livre

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